L'étude Séralini, au-delà de la polémique
Le magazine Transrural Initiatives revient sur cette étude largement médiatisée qui a permis, entre autres, de mettre à jour les défaillances en matière d’évaluation des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Gilles-Eric Séralinia © Ruaud / Andia.fr
« Il y aura un avant Séralini et un après Séralini », estime le sociologue Francis Chateauraynaud, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), dans un entretien réalisé par la Mission Agrobiosciences. Comment peut-on en arriver à cette conclusion, deux mois après la publication de l’étude de l’équipe du professeur de biologie moléculaire Gilles-Eric Séralini ?
Publiée fin septembre dans la revue scientifique Food and Chemical toxicology, cette étude sur le maïs génétiquement modifié NK603 de Monsanto et l’herbicide Roundup, a pour sûr fait couler beaucoup d’encre dans les médias mais aussi parmi les scientifiques et dans le milieu de l’évaluation des OGM. C'est un sujet complexe tant il peut être passionné et sur lequel chacun peut trouver les informations qui conforteront son opinion.
Avant de s’intéresser aux conséquences de l’étude Séralini, il faut bien avoir à l’esprit qu’elle a été publiée dans une revue scientifique où les articles sont analysés et critiqués par des pairs avant d’être publiés. Les réactions du Haut conseil des biotechnologies (HCB) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), ont rassuré ceux qui voulaient l’être mais pas plus, tant leur contenu était prévisible. Le HCB accuse Séralini d’avoir « donné des interprétations spéculatives de ses résultats ». Quant à l’Anses, après avoir abondamment critiqué l’étude, elle reconnaît son « ambition » et « l’originalité des questions qu’elle soulève ».
Pour sa défense, Gilles-Eric Séralini écrivait dans une tribune publiée dans Le Monde du 27 octobre : « Ces agences reprochent à notre étude une faiblesse statistique, elles qui n’ont jamais exigé des industriels le dixième de ce qu’elles nous intiment de fournir aujourd’hui, elles qui ont même accepté sans sourciller des tests sanitaires de quatre-vingt-dix jours [ceux de son équipe ont été faits sur deux ans], menés sur des groupes de quatre ou cinq rats, par exemple pour la mise sur le marché de la pomme de terre [génétiquement modifiée] Amflora. »
La recherche partagée, l’évaluation chamboulée
[..] Des chercheurs se sont exprimés à plusieurs reprises par voie de presse ; nombre de leurs réactions interrogent la place du chercheur dans la société et la façon de « faire de la science » aujourd’hui. L’affaire risque aussi de bel et bien faire avancer l’exigence dans les procédures d’évaluation. Le président de l’Inra indique que « [l’Institut] est déjà engagé dans des réflexions sur l’évolution des méthodes et procédures mises en jeu dans l’évaluation sanitaire des OGM et de leurs produits ». Le HCB et l’Anses, après avoir bien mitraillé Séralini, appellent à tester dorénavant à long terme les OGM et les pesticides.
Au niveau politique un changement est également perceptible. Le 8 novembre, Chantal Jouanno, ancienne ministre en charge de l’écologie rejoignait, excusez du peu, Ségolène Royal, Corinne Lepage, Dominique Voynet et Nathalie Kosciusko-Morizet qui avaient demandé de nouveaux protocoles d’expertise. Pour Francis Chateauraynaud : « On peut dire que ce conflit est réussi. C’est la première fois qu’une opposition de longue durée parvient à freiner sérieusement une application technologique et son développement sur un territoire. »