Pour une nouvelle politique agricole
Ce qui frappe dans la campagne présidentielle française, c'est l'absence de débat sur les sujets majeurs comme la crise écologique et les modèles agricoles portés par les candidats.
La société civile et les mouvements paysans et ruraux ont publié une tribune parue le 24 février sur le Monde.fr pour demander une réorientation d'urgence de la politique agricole française mais "rares sont les candidats qui osent appeler à un changement radical de paradigme dans cette campagne électorale au ras des pâquerettes clientélistes", déplore Marie-Monique Robin dans une interview à Télérama.
Sous la prochaine présidence aura lieu la re-négociation de la PAC, ou Politique Agricole Commune, qui expire en 2013. A l'origine la PAC est une vraie stratégie au service des peuples européens en vue de leurs autosuffisance alimentaire et de la paix. Or aujourd'hui l'agriculture européenne est dépendante d'importations (alimentation animale, engrais minéraux , pétrôle), et de nouveaux enjeux sont apparus : réchauffement climatique, épuisement des ressources, santé publique,...
La silence autour des négociations de la prochaine PAC empêche tout débat en éloignant les premiers concernés, les citoyens, et laisse le champs libre aux groupes de pression industriels. Pourtant l'opinion publique est de plus en plus consciente des dérives actuelles et les initiatives d'alternatives à l'agriculture industrielle et à la grande distribution se multiplient.
Le mythe d'une agriculture française productiviste à tout prix et qui devrait nourrir le monde perdure sous l'influence des lobbies agroalimentaires. La possibilité d'une alternance politique ne change pas la donne. Dans une interview à AgraPresse Hebdo, François Hollande exprime sa volonté de reconquérir la première place agroalimentaire de la France et affirme que "nous avons aussi à nourrir le monde, et il y a là également une responsabilité, à l’échelle planétaire". Manière de dire son soutien à l’agriculture d’exportation, symbole de l’agriculture productiviste, polluante et déstabilisatrice des économies des pays du Sud.
CONCORD, la confédération des ONG européennes, et la coordination européenne de Via Campesina ont publié le 7 mars une déclaration commune pour demander à ce que soit pris en compte les aspects extérieurs de la PAC. Depuis des décennies, l'UE et les autres pays riches exportent des produits agricoles à des prix inférieurs à leurs coûts de production, aux dépens des populations rurales des pays en développement. La nouvelle réforme doit y mettre un terme. Elle doit aussi permettre de réduire la dépendance de l'UE en protéines végétales alors que 80 % de l'alimentation animale est aujourd'hui importée avec des conséquences sociales et environnementales parfois dramatiques, comme pour le soja latino-américain. Les agriculteurs européens pourraient pourtant produire davantage de légumineuses en rotation avec les autres cultures. Cela aurait des effets bénéfiques sur la biodiversité, la qualité des sols et contribuerait à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
A LIRE
Pour une nouvelle révolution agricole - Sortir de l'impasse du libéralisme et du productivisme, de Laurent Levard
Agro-économiste de profession, Laurent Levard est responsable de l’agriculture au sein du bureau national du Parti de Gauche. Il co-anime le Front de Gauche de l’agriculture.
Changeons de PAC, changeons de CAP ! Vers une agriculture paysanne au service des citoyens , de José Bové et Gilles Luneaux
José Bové est député européen EELV et porte-parole d'Eva Joly. Gilles Luneau est écrivain et journaliste, co-fondateur de l'Agence de Presse Libération