Quelles politiques commerciales et fiscales pour la filière lait local en Afrique de l'Ouest ?
La vente du lait des cheptels des zones pastorales et agro-pastorales de l'Afrique de l'Ouest s'est beaucoup développée depuis une trentaine d'année. Cette opportunité est cruciale car les populations pastorales sont parmi les plus pauvres et victimes d'une insécurité toujours plus forte. Les investissement à réaliser pour accroître la collecte et satisfaire la demande sont colossaux et découragés par la disponibilité de poudre importée peu chère. Cette étude du Gret et du Cirad précisent les orientations en matière de politiques commerciales et fiscales qui peuvent influer sur la compétitivité relative du lait local par rapport aux poudres importées.
Importer tout en stimulant les filières locales
La région ouest-africaine importe aujourd’hui presque 60% des produits laitiers qu’elle consomme. Les politiques commerciales et fiscales constituent des outils pour réguler la concurrence des importations. L’étude précise le cadre théorique permettant de comprendre comment les politiques commerciales et fiscales peuvent influer sur la compétitivité relative du lait local par rapport aux poudres importées, et ainsi stimuler le développement de la filière lait local. Les recommandations de l'étude sont destinées pour la plupart aux acteurs ouest-africains et pour certaines aux acteurs européens.
Différents scénarios
L’étude a simulé les effets de six options d’évolution des politiques commerciales et fiscales, basées sur :
- la hausse du tarif extérieur commun sur les poudres (35% pour la poudre MGV - matières grasses végétales - et 10% pour la poudre de lait entière, contre 5% aujourd’hui) et sa flexibilisation en fonction des cours sur le marché mondial en vue de protéger à la fois les consommateurs en cas de flambée des prix et les acteurs de la filière lait local en cas de forte baisse (option 1),
- la suppression de la TVA sur les produits issus de lait frais (option 2),
- une combinaison des mesures des options 1 et 2 (option 3),
- l’interdiction de l’importation de poudres MGV (option 4),
- la subordination de l’importation et de l’utilisation de poudres par les transformateurs à leur engagement à incorporer 20% de lait local dans leurs produits (option 5)
- une combinaison des mesures des options 3 et 4 (option 6).
Stimuler la filière tout en protégeant les consommateurs : les avantages de l'option 3
Compte tenu des résultats obtenus, il apparait que les options 3 (TEC, TVA) et 6 (TEC, TVA, interdiction de la poudre MGV) sont les plus susceptibles d’enclencher une dynamique de développement de la filière lait local. L’option 6 apparait plus efficace, mais est plus défavorable aux consommateurs en situation de flambée des prix mondiaux. Par rapport à la situation actuelle, l’option 3 permet ainsi à la fois de stimuler la filière locale et de protéger les consommateurs dans une conjoncture de flambée des prix. Dans les pays où la TVA a été déjà supprimée ou abaissée sur nombre de produits laitiers, il conviendrait, dans ces deux options, de remplacer la baisse de la TVA par une autre mesure fiscale équivalente.
Des options plus risquées envisagées au Nigéria
Les options 4 (interdiction de la poudre MGV) et 5 (subordination des importations de poudre à l’incorporation de lait local) auraient des effets non négligeables et méritent donc également d’être discutées. Les deux options sont actuellement envisagées par le Nigeria. L’impact de l’option 4 serait significatif sur les prix à la consommation. L’option 5 mériterait une expertise complémentaire pour vérifier la faisabilité technique dans les pays où les importateurs ne sont pas que les transformateurs.
Quelle que soit l’option considérée, une condition essentielle de succès est la capacité de la région à accroître la production, la collecte et la transformation laitière. C’est pourquoi la mise en place des mesures de politiques commerciales et fiscales doit s’inscrire dans le cadre plus global de l’opérationnalisation des orientations de l’Offensive régionale pour la promotion des chaines de valeur du lait local en Afrique de l’Ouest.