Réseaux de distribution des bouillies fortifiées
Estelle Juré est responsable des opérations nutrition pour le Gret au Burkina Faso. Elle travaille sur un programme de promotion des bouillies infantiles fortifiées en vitamines et minéraux : les bouillies Laafi benre. Dans les quartiers non lotis en périphérie de Ouagadougou, où la croissance démographique explose, il s’agit de tester l’efficacité de réseaux de vente de proximité.
Quels défis se posent aux producteurs locaux sur le marché des bouillies infantiles ?
Le marché est très concurrentiel, investi par des bouillies traditionnelles et des produits importés. Ces derniers sont présents dans les boutiques de quartier et en milieu rural, bien qu’ils soient 5 fois plus chers (250 FCFA contre 50 FCFA pour Laafi benre). La qualité nutritionnelle est similaire, toutefois, les produits importés peuvent poser un problème sanitaire car c’est une farine instantanée à délayer avec de l’eau froide. La préparation des farines infantiles locales sont au contraire toutes des préparations à cuire, ce qui permet d’éliminer une bonne partie des microbes présents dans l’eau.
Malheureusement, les entreprises et associations locales, même avec l’appui du Gret, n’ont pas les mêmes capacités de promotion qu’un grand groupe international, ce qui rend l’implantation sur le marché inégale.
Quels circuits de commercialisation avez-vous mis en place ?
Nous intervenons dans quatre quartiers non lotis de Ouagadougou, très denses et souvent exclus des circuits de commercialisation de produits de qualité. Nous avons actuellement positionné 4 kiosques où les farines sont stockées et les bouillies préparées. Des vendeuses ambulantes sillonnent les quartiers pour une couverture maximale.
Comment s’organisent les activités des kiosques ?
Dans chaque kiosque une préparatrice est chargée de l’approvisionnement en farine et de la préparation des bouillies. Un kilo de farine fortifiée permet de préparer 4 litres de bouillie. Pour le moment, le Gret subventionne encore l’achat des farines. Les kiosques payent le sachet d’un kilo de farine fortifiée 625 FCFA, alors qu’il coûte en réalité 950 FCFA. Deux vendeuses mobiles sont rattachées à chaque kiosque. Elles effectuent des tournées dans le quartier et suivent à vélo un parcours prédéfini.
La filière est-elle une bonne opportunité d’emploi pour ces femmes ?
Oui, en effet, car le taux de chômage est très élevé dans ces quartiers. Chaque mois, les préparatrices touchent aujourd’hui en moyenne un peu plus de 30 000 FCFA [environ 46 €] et les vendeuses ambulantes aux alentours de 20 000 FCFA [environ 30 €] . Les femmes se rémunèrent grâce aux bénéfices des ventes. Le Gret subventionne uniquement l’achat des farines.
Le marché des farines infantiles locales est-il en expansion ?
Oui, la demande est croissante. Cette année nous comptons passer à 3 vendeuses ambulantes par kiosque. En 2016, nous voulons également ouvrir deux nouveaux kiosques.
Les quartiers périphériques non lotis sont très peuplés, avec des nouvelles familles qui s’installent tous les jours. De nombreux espaces ne sont pas couverts par les vendeuses ambulantes. C’est un marché en plein essor. Les marques de farines infantiles locales sont de plus en plus visibles, les produits sont reconnus et les commandes institutionnelles s’accroissent. La marge de développement de ce marché est encore forte. [...]
Propos recueillis en avril 2015 par Camille Bureau (CFSI) et édités en juin 2015. Photos © Gret
Creuser le sujet :
- Étude, Marketing complementary foods and supplements in Burkina Faso, Madagascar, and Vietnam: Lessons learned from the Nutridev program, 2010
- Témoignage, Afrique de l’Ouest : consommer local pour rompre la dépendance, 2015