Des céréales locales dans le pain des Togolais
Depuis 2019, un arrêté interministériel impose aux boulangers et pâtissiers togolais l’incorporation de 15 à 50 % de céréales locales dans le « pain français » et produits similaires.
Aubin Waibena est chargé de programme Éducation à la nutrition et au droit à l’alimentation et chef d’antenne Sud à l’Organisation pour l’alimentation et le développement local (Oadel, basée à Lomé). Il est également chargé du festival de films ALIMENTERRE au Togo. Au cours de cet entretien nous avons abordé l’impact de cette nouvelle législation.
Quels éléments ont conduit à la publication de l’arrêté d’octobre 2019 ?
70 % de la population active togolaise dépend du secteur agricole. Il était important que des actions fortes soient menées par le gouvernement en faveur du monde rural. Depuis plusieurs années, Oadel mène un plaidoyer pour le consommer local notamment auprès des ministères de l’Agriculture et du Commerce. Ces derniers ont pris part à plusieurs de nos activités. Ils ont été invités à participer aux débats lors du festival de films ALIMENTERRE ou de conférences de presse. Remarquant que les repas servis lors des déjeuners organisés par les différents ministères étaient majoritairement constitués de produits importés, nous avons lancé une action de plaidoyer pour faire évoluer cet état de fait. Nous avons également constaté que le pain occupait une place importante dans l’alimentation des Togolais. Or le blé n’étant pas produit dans notre pays, nous devons l’importer. Il était nécessaire que les autorités prennent un arrêté imposant aux boulangers d’incorporer des farines locales panifiables dans le pain, pour des raisons économiques mais aussi nutritionnelles. Une telle évolution avantagerait, par ricochet, les céréaliculteurs locaux. Notre organisation travaille depuis 2018 au développement des chaines de valeur du pain à base de sorgho et de soja avec quelques centaines de boulangères. L’ambition était de faire connaître cette initiative et de passer à l’échelle la production du pain local. En janvier 2019, Noël Bataka, que nous avions sollicité par le passé pour animer des débats lors du Festival, a été nommé ministre de l’Agriculture. Après sa nomination, il a signé des textes en faveur du consommer local.
Est-ce que les consommateurs apprécient ces « nouveaux pains » ?
Oui, les pains locaux sont plus moelleux et moins élastiques que le pain de blé. En plus le pain au soja a un goût laiteux et plus digeste que le pain de blé. Celui à base de sorgho est plus consistant dans le ventre. Du point de vue nutritionnel, ces pains sont de loin meilleurs au pain de blé. Ce qui explique leur préférence par les consommateurs.
Est-il aujourd’hui possible d’évaluer la nature des retombées possibles de l’arrêté sur les producteurs et les unités de transformations ?
Il n’y a pas eu d’étude d’impact pour estimer l’effet de cet arrêté sur toute l’étendue du territoire. Cependant une analyse faite au niveau des seules unités de transformation accompagnées par Oadel montre qu’en 2020 elles ont produit plus de 14 000 kg de farines panifiables. La même année, les 207 boulangères soutenues par notre organisation dans la production de pain à base de farines locales ont totalisé un chiffre d’affaires de plus de 134 millions de FCFA (204 282€).
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Pour creuser le sujet :
- Brève, Coup de pouce aux produits locaux, 2020
- Livres de recettes des céréales locales dans notre alimentation (Sénégal), 2017