Grande distribution en Côte d'Ivoire : quelles opportunités pour l'agriculture locale ?
Grande distribution : quelles opportunités pour les filières locales ? Enquête de la Fondation FARM en Côte d'Ivoire
L'émergence des classes moyennes en Afrique favorise l'installation de la grande distribution. Il est prévu que leur nombre double dans les quelques années à venir. Carrefour fait partie des nouveaux arrivants. Il a récemment ouvert à Abidjan son premier hypermarché d'Afrique subsaharienne. Ont suivi le Kenya et le Cameroun. Or Carrefour affiche une volonté de s’approvisionner localement pour les produits frais. Qu'en est-il exactement ?
Le duo gagnant local / qualité
La démarche de Carrefour en Côte d’Ivoire est de favoriser le business local et de se fournir directement auprès des cultivateurs et des éleveurs.
Dans son étude sur « La consommation en Afrique, le marché du XXIème siècle », Deloitte (Deloitte, 2015) a enquêté sur les habitudes de consommation dans 8 pays, dont la Côte d’Ivoire. Cette enquête a révélé deux faits majeurs. D’abord, une attention notable portée à la qualité des produits. En effet, 60 % des consommateurs citent la qualité comme premier facteur dans leur décision d’achat. Ensuite, la même étude montre qu’en matière de produits alimentaires, les consommateurs préfèrent acheter des marques et privilégient (pour 63 à 90 % des sondés) des marques locales. « Local » et « qualité » forment un duo gagnant.
Difficultés d’approvisionnement
L’arrivée en Côte d’Ivoire de Carrefour a incité des PME à se lancer dans la transformation de la viande, dans des conditions répondant au cahier des charges spécifique des distributeurs en termes de qualité sanitaire, et avec des marchés rémunérateurs à la clef.
En revanche, les fruits et légumes sont des produits d’appel, offerts aux consommateurs à des prix comparables à ceux des marchés traditionnels. La gamme distribuée se veut très large « Un supermarché distribue plus de 400 références en fruits, légumes, épices, alors que les marchés, là où les Abidjanais font leurs courses, n’en proposent qu’une quarantaine » et de qualité. Or les fruits et légumes proviennent principalement de plateformes de collecte. Sur ces marchés de gros, les efforts de qualité ne sont pas visibles, car les produits ne sont pas étiquetés ou encore moins labellisés.
En outre, du fait de la quasi-absence de suivi de la qualité sanitaire des produits consommés localement, les acteurs privés ne sont pas enclins à investir pour améliorer leurs pratiques.
La situation est étonnante : les consommateurs sont préoccupés par la qualité et disposés à acheter des produits locaux, mais faute de contraintes réelles, les metteurs en marché ne se lancent pas dans la mise en place de lignes de produits locaux de qualité.
Mais la situation pourrait bientôt changer
Deux diagnostics récents de la Banque mondiale et de l’AFD ayant pointé l’absence de contrôle sanitaire des aliments, le gouvernement ivoirien a décidé de créer un système national de sécurité des aliments. La grande distribution pourrait être un relais dans la mise en marché de produits contrôlés sur le plan sanitaire et les producteurs locaux peuvent saisir cette nouvelle donne pour mettre en place des filières « saines ».
Investir dans des variétés nouvelles ou étendre la période de production permettrait d’offrir de nouveaux produits. A terme, les productions de qualité, réalisées avec peu de produits phytosanitaires et respectant les délais de traitement, seront valorisées.
La grande majorité des producteurs individuels est encore éloignée de l’acheteur final, ce qui limite leur marge de négociation sur les marchés. Mais le paysage de la grande distribution devra aussi compter avec la vente en ligne, qui se développe très rapidement, et l’émergence des circuits courts. Autant de nouveaux défis à relever pour les agriculteurs qui sont aussi de belles opportunités.