Les graines de la faim
Multipliant les droits de propriété sur les semences, des multinationales privatisent les ressources appartenant à l'humanité. Une menace pour la sécurité alimentaire.
Photo : Coopérative de semences de riz au Sénégal © Grdr
Pratique aussi vieille que l’agriculture, utiliser ses propres semences pour sa future récole sera-t-il bientôt une activité hors la loi ? « Au Nord comme au Sud, de nouvelles réglementations apparaissent qui tendent à remettre ce droit en question », affirme Patrick de Kochko, agriculteur dans le Tarn-et-Garonne et coordinateur du Réseau des semences paysannes. Cette bannière regroupe en France plus de 70 organisations citoyennes bien décidées à faire entendre leur voix face au lobby des multinationales de l’agrochimie. Ces firmes cherchent à imposer et contrôler l’usage de variétés qu’elles ont sélectionnées via l’obtention de droits de propriété intellectuelle. Engagé depuis les années 1960 dans le sillage de la révolution verte, ce mouvement s’accentue aujourd’hui dans un contexte de concentration du marché des semences entre les mains d’acteurs de plus en plus puissants : au niveau mondial, 10 entreprises internationales représentent 50 % des ventes de semences estimées à 45 milliards de dollars.
Ces pratiques pénalisent lourdement les agriculteurs, obligés de verser des royalties pour semer dans leurs champs les graines protégées par des certificats ou des brevets interdisant l’utilisation d’une ressource génétique à la base de ces droits de propriété. « Les pratiques des multinationales sont d’autant plus inacceptables que dans nombre de cas, elles déposent des brevets sur des gènes qui appartiennent au patrimoine génétique mondial et dont les caractéristiques sont déjà connues! Ces actes s’apparentent à de la bio-piraterie », souligne Guy Kastler, président de la Commission semence de la Confédération paysanne.
De plus, sélectionnées en fonction de leur capacité à assurer de hauts rendements dans des conditions optimales que ce soit en matière de qualité des sols ou d’accès à l’eau, ces variétés ne prennent pas en compte la diversité des situations. « En Afrique Subsaharienne, par exemple, les rendements obtenus sont inférieurs aux attentes, faute de réseau d’irrigation ou de recours à des produits chimiques pour compenser la faible fertilité des sols, met en avant Bob Brac de la Perrière, coordinateur de l’association de solidarité internationale BEDE. [...]
Article issu du numéro spécial d'Alternatives Economiques "Agriculture familiale, le défi", réalisé en partenariat avec le CFSI, dans le cadre de l'Année Internationale de l'agriculture familiale.